Le 23 et 24 Novembre 2017, lors de sa session annuelle, le Conseil des Ministres de l’OHADA, désireux de favoriser et promouvoir les modes alternatifs de règlement des différends, a adopté un nouvel Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et a apporté des modifications importantes à son Règlement d’arbitrage.
OHADA
L’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, appelée OHADA, est une organisation panafricaine instituée le 17 octobre 1993 par le Traité de Saint-Louis. Cette organisation composée de 17 Etats africains[1] a pour but d’encourager et promouvoir l’investissement sur le continent Africain par l’instauration d’un cadre juridique commun dans le domaine du droit des affaires. Soucieuse de garantir une sécurité juridique et judiciaire des activités économiques, l’OHADA intervient tant en amont qu’en aval.
L’OHADA intervient en amont par l’élaboration d’un ensemble de règles contenus dans des « Actes uniformes ».[2] Simplicité et modernité, caractères fondamentaux de ces règles, permettent de fluidifier l’activité des entreprises. L’efficacité de ces règles est assurée par leur effet direct dans l’ensemble des Etats-Membres. Celles-ci, une fois adoptées par le Conseil des Ministres, peuvent être invoquées par tout justiciable devant les juridictions d’un Etat-Membre, indépendamment de l’existence d’un texte issu du droit national. Le principe d’effet direct garantit ce faisant l’efficacité et l’applicabilité des normes contenus dans les Actes uniformes.
L’OHADA intervient également en aval par la mise en place d’une juridiction supranationale, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), dont le rôle est d’assurer l’interprétation et l’application commune du Traité, des Règlements et des Actes uniformes. La CCJA assure ainsi trois fonctions : consultatif (elle émet des avis sur l’interprétation du droit de l’OHADA), judiciaire (elle connaît en dernier ressort des pourvois formés à l’encontre des arrêts rendus par les Cours suprêmes des Etats-Membres portant sur l’application du droit de l’OHADA) et arbitrale (elle est dotée d’un centre d’arbitrage institutionnel régi à l’origine par le Règlement d’arbitrage du 11 Mars 1999).
La réforme du droit de l’arbitrage OHADA
Le 23 et 24 Novembre 2017, le Conseil des Ministres a renouvelé son droit de l’arbitrage par l’adoption d’un nouvel Acte uniforme[3] qui vient moderniser celui de 1999. Aux termes du communiqué final du Conseil[4], l’adoption de ce texte révolutionne le dispositif de l’OHADA en matière de règlement alternatif des différends et est de nature à renforcer la transparence, la célérité et l’efficacité des procédures arbitrales dans l’espace OHADA. L’objectif poursuivi par ce nouveau texte est de renforcer la confiance des investisseurs locaux et étrangers, et à améliorer significativement le climat des affaires dans l’espace OHADA.
Une procédure d’exequatur accélérée
Dans l’hypothèse où la partie perdante ne s’exécute pas volontairement, le bénéficiaire d’une sentence arbitrale pourra en demander l’exécution forcée devant les juridictions où cette dernière dispose de biens susceptibles d’être saisis. Cette demande d’exécution forcée se fait par le biais de la procédure d’exequatur. Cette procédure peut s’avérer être plus ou moins longue selon les juridictions de l’Etat concerné et peut par conséquent ralentir l’exécution de la sentence arbitrale.
L’apport du nouveau texte en la matière est considérable. Quelle que soit la juridiction saisie par une demande d’exequatur, celle-ci devra statuer « dans un délai qui ne saurait excéder quinze jours à compter de sa saisine ».[5] L’efficacité de cette disposition est par ailleurs renforcée par sa sanction puisque « si à l’expiration de ce délai, la juridiction n’a pas rendu son ordonnance, l’exequatur est réputé avoir été accordé ».[6]
Il est donc indéniable que le nouveau texte saura séduire et attirer les acteurs du commerce international désireux d’obtenir une exécution rapide de leur sentence.
Un délai de recours en annulation réduit
Le délai d’un recours en annulation peut avoir une incidence sur l’exécution d’une sentence arbitrale. En effet, dans la plupart des juridictions, un recours en annulation formé contre une sentence arbitrale suspend son exécution. Cette possibilité ouverte à la partie perdante peut par conséquent donner lieu à des manœuvres dilatoires. En effet, il n’est pas rare de constater les hypothèses dans lesquelles la partie perdante et de mauvaise foi, ne forme un recours que dans l’unique but de ralentir l’exécution de la sentence sur ses actifs. C’est donc dans ce contexte que le nouveau texte a été adopté. Celui-ci prévoit désormais que les juridictions des Etats-Membres, saisis d’un recours en annulation, devront statuer dans les trois mois de leur saisine.[7] De la même manière que pour la procédure d’exequatur, le Conseil des Ministres a voulu renforcer l’efficacité d’une telle mesure en la dotant d’une sanction assez radicale. En effet, l'article 27 du nouvel Acte uniforme dispose que : « lorsque la juridiction n’a pas statué dans ce délai, elle est dessaisie et le recours peut être porté devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage dans les quinze jours suivants ».
Un principe de « compétence-compétence » évolué
Le principe selon lequel le tribunal arbitral est compétent pour connaître de sa propre compétence évolue également avec l’introduction du nouvel Acte uniforme. En effet, avant son introduction, un tribunal étatique n’était compétent pour statuer que sur les clauses compromissoires manifestement nulles et avant toute constitution du tribunal arbitral. Désormais, cette règle est étendue au cas où la clause compromissoire est manifestement inapplicable en raison de la nature du litige.[8]
Une procédure de récusation renouvelée
La procédure de récusation permet à une partie de remettre en cause la légitimé d’un arbitre en raison de sa partialité au regard du litige. Le nouveau texte permettra ainsi à une partie de demander la récusation d’un arbitre dans un délai de 30 jours à compter de la découverte du fait ayant motivé celle-ci. Cette action s’exerce devant la juridiction de l’Etat partie compétent en la matière qui rendra donc une décision qui pourra faire l’objet d’un pourvoi devant la CCJA.[9]
Les nouveautés du Règlement d’arbitrage
Le nouvel règlement d’arbitrage apporte lui aussi certaines innovations. Il donne désormais compétence à la Cour commune pour connaître des litiges relatifs à des investissements lorsque le recours à l’arbitrage est fondé sur un traité ou un contrat d’investissement.[10] Enfin, le règlement prévoit désormais les modalités d’intervention volontaire et forcée,[11] de saisine de la Cour en présence de plusieurs parties et la possibilité pour la Cour de connaître de demandes découlant de plusieurs contrats.[12]
Sanam Pouian, Aceris Law
[1] Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, RD Congo, Sénégal, Tchad, Aller.
[2] Droit commercial général ; Droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique ; Droit des sûretés ; Procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; Procédures collectives d’apurement du passif ; Droit de l’arbitrage ; Contrats de transport de marchandises par route ; sociétés coopératives ; Droit de la médiation.
[3] http://www.ohada.com/content/newsletters/3870/Acte-Uniforme-relatif-au-droit-d-arbitrage-2017.pdf
[4] http://www.ohada.org/index.php/fr/actualite/dernieres-nouvelles/2287-communique-final-de-la-45e-session-du-conseil-des-ministres
[5] Article 31 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
[6] Article 31 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
[7] Article 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
[8] Article 13 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
[9] Article 8 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
[10] Article 4.1 Al. 2 du Règlement d’arbitrage de la CCJA.
[11] Article 8.1 du Règlement d’arbitrage de la CCJA.
[12] Article 8.4 du Règlement d’arbitrage de la CCJA.