Le cas d'une nomination tardive d'un arbitre est inhabituel selon les règles de la CCI. En vertu de l'article 12(4) du 2012 Règles ICC, dans le cas où les parties se sont entendues sur un tribunal de trois membres, le demandeur procède à la nomination de son co-arbitre dans la demande, et l'intimé désigne son co-arbitre dans la réponse qu'il doit déposer dans les 30 jours suivant la réception de la demande, conformément à l'article 5(1) sous-paragraphe e) du règlement. Alors qu'un répondant déposera presque toujours une demande de temps supplémentaire pour soumettre sa réponse dans cette période de 30 jours, conformément à l'article 5(2), Et le Secrétariat accordera une prolongation de 30 jours, cela n'affecte pas ledit délai pour la nomination du co-arbitre - sauf si les parties en conviennent expressément autrement. En effet, le Secrétariat ne peut accorder aucune prolongation à moins que la demande du défendeur ne soit accompagnée de la nomination de son co-arbitre. Le but de cette exigence est de procéder à une constitution rapide du tribunal arbitral.
En bref, le Règlement ne prévoit pas la possibilité d’une nomination tardive d’un arbitre et l’article 12(4) Prévoit que, dans le cas où une partie ne procède pas à la nomination de son co-arbitre, la Cour de la CPI le nommera lui-même. Par conséquent, dans les situations où aucune réponse n'est soumise, ou une réponse est soumise ou une demande de délai supplémentaire est déposée mais ne règle pas la question de la nomination du co-arbitre, le Règlement autorise l’arbitrage, le co-arbitre du défendeur étant nommé par la Cour.
Parce qu'il n'est pas rare qu'un répondant manque le délai de 30 jours, par exemple si elle n'est pas représentée, peu familier avec les règles, ou une grande entreprise ou un État et la demande n'est pas parvenue en temps opportun au décideur compétent,[1] on peut cependant se demander si la Cour de la CPI serait assez sévère pour priver un défendeur défaillant de ses droits de procéder à la nomination de son co-arbitre et des conséquences pratiques de cette décision à un stade ultérieur de l'arbitrage, ou si le tribunal accepterait la nomination tardive de l'arbitre de l'intimé.
En effet, si on ne lui accorde pas l'option de nomination tardive d'un arbitre, l'intimé défaillant perdrait sans doute l'un des avantages les plus importants du recours à l'arbitrage international, en particulier si l'autre partie le conserve. Dans le pire des cas pour le répondant défaillant, certaines juridictions peuvent appliquer une convention d'arbitrage prévoyant la nomination par la partie non défaillante des deux co-arbitres, c'est-à-dire la majorité du tribunal, qui choisira à son tour le président.[2] De telles situations poseraient sans aucun doute des problèmes au stade de l'application[3] et motiver la partie défaillante à demander l'annulation d'une sentence rendue contre elle au motif que les arbitres n'étaient pas impartiaux et que le tribunal n'était pas correctement constitué car les deux parties n'avaient pas les mêmes droits dans sa constitution., bien que la partie non défaillante soutiendrait probablement que les deux parties ont eu la même possibilité de participer à la constitution du tribunal.[4]
Dans ce contexte, on s'attend à juste titre à ce que le Secrétariat de la CPI reste flexible quant à la possibilité d'une nomination tardive d'un arbitre et autorise des prorogations de délai plutôt que de demander que la Cour de la CPI nomme immédiatement le co-arbitre conformément à 12(4) du règlement, notamment parce que la Cour préfère également que les co-arbitres soient choisis par les parties.[5] Cette approche est cohérente avec l’absence de sanctions explicites dans le cas où un répondant soumettrait une réponse tardive mais complète - c’est-à-dire une réponse contenant, entre autres, la nomination de son co-arbitre - que le Secrétariat transmettra au Tribunal arbitral, le reste du dossier, dès qu'il est constitué, conformément à l'article 16 du règlement.[6]
En effet, il est clair que les dispositions relatives à la nomination par la Cour du co-arbitre à l’article 12(4) du Règlement visait à empêcher les tactiques dilatoires et l'obstruction du processus arbitral lorsqu'un défendeur ne se conformait délibérément pas aux exigences de l'article 5(1) du Règlement plutôt que d'empêcher la nomination tardive de l'arbitre de cette partie si, de bonne foi, il n'a pas présenté sa réponse ni désigné son co-arbitre dans sa réponse ou dans sa demande de délai supplémentaire conformément à l'article 5(2) du règlement.
[1] J. Frire, S. Greenberg, F. Mazza, Guide du Secrétariat sur l'arbitrage de la CCI, 2012, ¶ 3.450.
[2] g. Née, Arbitrage commercial international, Kluwer Law International, 2009, VOL I, p. 1396.
[3] ArticleV(1)(b) de la Convention de New York prévoit que la reconnaissance et l'exécution d'une sentence peuvent être refusées lorsqu'une partie «n'a pas été dûment informé de la nomination de l'arbitre ou de la procédure d'arbitrage ou n'a pas été en mesure de présenter sa cause."
[4] ArticleV(1)(b) de la Convention de New York prévoit que la reconnaissance et l'exécution d'une sentence peuvent être refusées lorsqu'une partie «n'a pas été dûment informé de la nomination de l'arbitre ou de la procédure d'arbitrage ou n'a pas été en mesure de présenter sa cause."
[5] J. Frire, S. Greenberg, F. Mazza, Guide du Secrétariat sur l'arbitrage de la CCI, 2012, ¶ 3-450.
[6] J. Frire, S. Greenberg, F. Mazza, Guide du Secrétariat sur l'arbitrage de la CCI, 2012, ¶ 3-148.